Fonctionnement

Les débris végétaux et d’animaux forment la litière (MOF) qui est fragmentée par les organismes du sol pour obtenir des molécules simples. Ces molécules subissent alors deux types de réaction.

La première réaction est l’humification. C’est un processus de transformation de la matière organique en humus sous l’influence des enzymes produite par la microfaune (organismes inférieurs à 0.2mm) et la microflore (bactéries, microalgues, champignons) (Figure 1). L’action des enzymes est de transformer les composés.

Par ailleurs, la macrofaune fragmente la litière, creuse des galeries et ainsi participe au brassage des particules minérales et organiques en enfouissant la matière organique et en remontant des éléments minéraux. Le système racinaire contribue également à la production en profonde de matière organique (Bonneau, 1995).

Dans le processus d’humification, il existe trois voies de synthèse de la matière organique, formant l’humus. L’humification par héritage (H1) est un processus qui donne l’humine résiduelle ou héritée. Les composés les plus résistants libérés lors de la décomposition de la litière sont incorporés directement au complexe argilo-humique formant ainsi l’humine résiduelle. La deuxième voie est l’humification par polycondensation (H2). Les composés issus des premières étapes de la minéralisation se polycondensent* en molécules plus grosses aboutissant à l’humine d’insolubilisation. Et enfin, l’humification par néosynthèse microbienne (H3) est une réaction qui produit l’humine microbienne. Certaines molécules organiques solubles sont reprises par les microorganismes qui les transforment et les sécrètent. Celles-ci donnent une cohésion aux micro-colonies et structurent le sol. La vitesse de l’humification dépend de l'activité biologique conditionnée par les paramètres du sol: température,humidité, acidité ou présence d'inhibiteurs tels que certains métaux lourds ou toxiques (Gobat et al., 2003).

 La deuxième réaction est la minéralisation primaire. La matière organique est alors transformée en matières minérales (CO2, NH4+, Ca2+…). Il y a une décomposition rapide de la litière avec libération de composés minéraux. L’humus peut aussi subir une minéralisation secondaire où il y a également formation d’éléments minéraux. Ces éléments sont remontés par les organismes du sol et vont être utilisés comme ressource pour la végétation. Le taux de minéralisation est le pourcentage d’éléments du sol qui subisse ce phénomène de minéralisation. Par ce biais, on peut connaitre la quantité d’éléments transformés. La vitesse de minéralisation du carbone est mesurée par incubation d’un échantillon de sol humifère, dans des conditions optimales de température et d’humidité. On obtient une courbe cumulative d’émission de CO2 qui permet de calculer le taux de minéralisation par unité de temps.

A côté de la minéralisation et de l’humification, une partie de la matière organique sert d’aliment à des microorganismes (Gobat et al., 2003). La quantité d'humus dans le sol est le résultat des actions concurrentes de l'humification et de la minéralisation.

Un des indices de la qualité de l'humus est le rapport C/N du sol. Le carbone et l'azote ne se recyclent pas à la même vitesse. Le carbone est respiré donc "tourne" plus vite que l'azote, qui est renouvelé avec les protéines. Ainsi un rapport C/N bas indique une bonne activité biologique du sol, alors qu'un C/N élevé indique un ralentissement de cette activité. L'azote est donc un facteur limitant. L'odeur, l'aspect visuel et l'observation au microscope des organismes le composant renseignent également sur la qualité de l'humus.

Rôle

Le premier rôle de l’humus est de retenir les nutriments. Sa capacité d'échange naturelle ainsi que sa décomposition lente délivrent aux racines des plantes de l'azote, du phosphore et tous les éléments nutritifs indispensables à la croissance des végétauxC’est donc un constituant du sol essentiel pour que les végétaux puissent pousser.Les fonctions de l'humus sont multiples, et jouent un grand rôle dans les propriétés physico-chimiques. L’humus sert à mettre les ressources du sol à la disposition de l’agriculture et de l’environnement grâce à son interaction avec l’argile formant ainsi le complexe argilo-humique, lequel fixe les nutriments. Les plantes pourront par la suite se servir en nutriments. Il maintient donc la fertilité du sol et limite les émissions de carbone dans l’atmosphère (Tiessen et al, 1994; Syers et Craswell, 1995). En l’absence d’argile, il constitue le support essentiel du complexe adsorbant. L'humus peut s'accumuler et évoluer très lentement sous climat froid, jusqu'à constituer un puits de Carbone, mais en climat chaud, il peut se minéraliser très rapidement et disparaître.

Il y a quatre principaux types de fonctions de l’humus: (1) une fonction pédogénétique de désagrégation des roches et des minéraux, (2) une fonction de création d’horizons humiques et la migration des sesquioxydes, (3) des fonctions physiques de thermoprotection superficielle en formant une structure et une porosité permettant une protection contre l’érosion, (4) des fonctions nutritives, en libérant des éléments nutritifs au cours de l’humification.

De plus, l’humus contribue au pouvoir adsorbant*. Et enfin, au niveau des fonctions physico-chimiques, l’humus a une action sur l’acidité/alcalinité du sol ainsi que sur les phénomènes d’oxydoréduction.

Différentes formes d'humus

Les formes d’humus ont un aspect dynamique et hétérogène au sein d’une même parcelle. Elles peuvent évoluer en fonction du temps et forment ainsi une mosaïque (Gobat et al., 2003).

Il existe différentes clés de détermination des formes d’humus. Selon les pays, des classifications ont été mises en place. La typologie des humus a été développée par des auteurs allemands Mull, Moder et Mor puis a été repris par Duchaufour. Actuellement, deux classifications principales existent actuellement, celle de JABIOL et al. (1995) et celle de GREEN et al. (1993). Chacune possède ses propres horizons holorganiques* de référence et fonde sa classification sur différents critères. Il est donc possible, suivant la clé de détermination utilisée, qu'un même épisolum humifère* se rattache à deux formes d'humus d'un groupe différent. Ici, il a été décidé que la nomenclature de JABIOL et al. (1995) serait privilégiée pour caractériser les différentes formes d'humus rencontrées.

Dans de bonnes conditions, la couche d'humus dépasse rarement 30-40 cm. On distingue deux catégories d’humus, ceux qui sont formés en milieux bien aérés « aérobiose » (mull, mor et moder) et ceux qui sont formés en milieux mal aérés « anaérobiose » (tourbe, anmoor) (Ponge, 1984). Les humus se développant en anaérobiose ne seront pas développé dans ce rapport. Nous nous intéresserons qu’aux formes aérées.

Au sein des humus bien aérés, la classification biochimique des humus est faite en liaison avec leurs conditions de formations (climat, substrat minéral…). D’un côté, nous avons les humus peu évolués, incorporés ou non (mor, moder, mull carbonaté), et d’un autre côté les humus évolués, à forte dominance de composés humiques liés à la matière minérale (mull acide, mull eutrophe, mull calcique…). Les définitions des différentes catégories d’humus ont été prises dans l’ouvrage « L’humus sous toutes ces formes », Jabiol et al., 2007.

L’horizon OL est constitué de débris foliaires non ou peu évolués et de débris ligneux. Il ne contient pas de matière organique fine et peut reposer directement sur un horizon A, ou être superposé à un horizon OF. Il est subdivisé en trois catégories. L’horizon OLn ou litière nouvelle est constitué de feuilles ou d’aiguilles de l’année, non ou peu transformées et libres entre elles. L’horizon OLv ou litière vieillie est composé de feuilles plus ou moins transformées, brunies, blanchies, ramollies et/ou en paquets collés, avec une absence de matière organique fine. Et enfin, l’horizon OLt est constitué de débris foliaires peu transformés mais fortement fragmentés (OLn brisé) et de restes non consommés par les vers de terre anéciques. Il est, le plus souvent, en couche mince et discontinue à la surface de l’horizon A ou mêlés aux turricules* de vers de terre.

L’horizon OF est formé de résidus végétaux, surtout d’origine foliaire, plus ou moins fragmentés, reconnaissables à l’œil nu, en mélange avec des proportions variables de matière organique fine. Celle-ci correspond à des amas de boulettes fécales plus ou moins transformés ou à des micro-débris végétaux et mycéliens sans structure reconnaissable à l’œil nu.

L’Horizon OH est un horizon qui contient plus de 70% en volume de matière organique fine qui correspond à des amas de boulettes fécales plus ou moins transformés ou à des micro-débris végétaux et mycéliens sans structure reconnaissable à l’œil nu.

Ces trois horizons sont appelés des horizons holorganiques.

L’horizon A appelé également horizon « organo-minéral » contient un mélange de matière organique et de matière minérale qui se forme à la surface du sol ou en dessous des horizons O.

Mull

Le Mull est caractérisé par la disparition rapide des litières, due aux activités de certains organismes du sol (Staaf, 1987) et à l’homogénéisation de la matière organique humifiée avec les particules minérales dans les macroagrégats (Bernier, 1998). Ce sont des humus constitués d'un mélange homogène de matières organiques bien humifiées et de minéraux. Ils contiennent beaucoup de pigments bruns qui lui donnent sa couleur foncée.

Ce type d’humus présente une forte biomasse et une grande diversité de faune (humus zoogène) (Petersen and Luxton, 1982).

On peut y trouver de la mégafaune (petits rongeurs), de la macrofaune (vers de terre, grands arthropodes, mollusques), de la mésofaune (acariens, collemboles, enchytréides) et  de la microfaune (nématodes, protozoaires). On y observe aussi la présence de champignons saprophytes* et mycorhiziens* ainsi que des bactéries. Les groupes dominants en biomasse sont les vers de terre et les macroarthropodes (diplopodes, cloportes) car ils possèdent une activité efficace pour la biodégradation des pigments bruns. Ces derniers ainsi que les espèces minoritaires ont besoins de beaucoup d’éléments nutritifs pour pouvoir survivre et se développer correctement. Les nutriments sont consommés rapidement mais leur cycle de renouvellement, effectué par une variété d’organismes est rapide (Vedder et al., 1996). C’est pour cela que la disponibilité de ces éléments demeure élevée dans ce type d’humus et que l’humification est rapide. Le Mull est associé avec le plus fertile des sols (Brady and Weil, 1999) et on le retrouve généralement au sein des écosystèmes de prairie et des écosystèmes forestiers feuillus sous des climats doux (Green et al., 1993). Il est constitué des horizons OL, OF et A.

Il y plusieurs types de Mull.

- L’Eumull

- Le Mésomull                                                                     

- L’Oligomull              

- Le Dysmull

Les formes d'humus Mull sont fréquentes en climat tempéré et sont caractérisées par la présence de vers de terre qui structurent l'horizon A, le rendant plus ou moins biomacrostructuré.

Moder

La macrofaune présente dans le Moder est de faible biomasse et diversité (nombre d’espèce) par rapport à celle du Mull (Schaefer, 1991). On retrouve, à l'automne, les feuilles de l'année qui subissent une décomposition surtout effectuée par les champignons, mais aussi les feuilles de l'année précédente partiellement décomposées, réduites à leur réseau de nervures (squelettisées), avec de nombreux filaments de champignons, de racines (mycorhizes) et surtout de boulettes fécales provenant d'animaux vivant dans la litière (épaisse de quelques millimètres à plusieurs centimètres); Son odeur de champignons est caractéristique. 


La matière organique est accumulée dans trois horizons holorganique : OL, OF et OH.    

Les champignons prédominent, en raison des conditions qui sont plus acide que dans le Mull (Nagel-de-Boois and Jansen, 1967). Ces organismes produisent des antibiotiques (Marx, 1969) qui contribuent à l’effondrement des populations de bactéries et qui rendent le sol encore plus acide (Takao, 1965). Ce type d’humus est principalement trouvé dans les forêts de feuillus acidifiants (chêne, hêtre) et les forêts de conifères avec une litière pauvre en nutriments (Howard, 1990).

La litière est séquestrée dans les débris végétaux en décomposition, les fèces de la faune saprophage et les champignons. Leur disponibilité pour les plantes est indirecte, c'est-à-dire qu’elles vont les puiser grâce à d’autres organismes dans le sol. L’azote organique est le nutriment le plus abondant au sein de ce type d’humus. L’humification se fait lentement.

Il y a trois principaux types de Moder.

- Le Dysmoder 

- L’Eumoder                              

- L’Hémimoder             

Mor

Le Mor , également appelé humus brut, est caractérisé par la rareté des animaux et l’activité faible de la pourriture blanche. Il résulte de la transformation très lente de la matière organique. Il s’observe sur les sols très acides.

Les débris non décomposés accumulés forment un horizon OM « emmêlé » avec un peu de fèces animales (Barrat, 1964 ; Ponge et al., 2000). Cet horizon montre une transition nette avec l’horizon minéral sous-jacent (horizon E), contrairement au Moder où la transition avec l’horizon minéral est progressive (Nielsen et al., 1987). Le Mor possède un faible taux de nutriments qui conduit à une faible production de la végétation. L’apport de litière est donc faible (Aerts, 1995). La litière se décompose difficilement dans les Mor et on retrouve principalement des lichens, des mousses et des éricacées (bruyères, myrtille) (Bonan and Shugart, 1989). L’activité biologique y est très faible. On retrouve le Mor dans des régions climatiques rudes (froides et humides, haute montagne, régions boréales). La végétation y prend une place prédominante au détriment des animaux et des microbes (Davis, 1981). La conservation de la matière organique y est maximale tandis que la quantité de nutriments y est minimale (Aerts, 1995). La litière s'accumule donc car elle se décompose très lentement (plus de 10ans). Les composés minéraux et organiques se superposent mais ne s'associent pas.

 Il y a deux principaux types de Mor.

-L’Humimor

-L’Hémimor 

Il n’y a souvent pas de véritable horizon A pour ces deux types de Mor et l’activité des vers de terre y est très faible. Il y a une balance entre l’humification et la minéralisation au sein des formes d’humus Mor et Mull. Le Mor possède une humification plus importante tandis que le Mull possède une minéralisation plus importante. C’est pour cette raison que le taux de nutriments, la fertilité, l’abondance et surtout la diversité de la faune sont plus importants au sein des Mull.